Quand on a décidé de partir à la recherche de Dieu, il faut faire ses bagages, seller son âne et se mettre en route. ..
C'est un grand départ. Il faut dire adieu. A quoi ? A tout et à rien.
A rien, car ce monde que l'on quitte sera toujours là près de nous, en nous, jusqu’à notre dernier souffle, toujours aussi près de nous. Etant chassé et repoussé, il a bien des chances de surgir avec plus de véhémence à l'intérieur de nous-même.
A rien, car ce monde que l'on quitte sera toujours là près de nous, en nous, jusqu’à notre dernier souffle, toujours aussi près de nous. Etant chassé et repoussé, il a bien des chances de surgir avec plus de véhémence à l'intérieur de nous-même.
A tout, car, en partant à la recherche de l'absolu, nous coupons les ponts avec tout ce qui pourrait nous en détourner, avec ce qui, en nous et dans les êtres, tend à former un corps l’opposition à l'action divine. Finalement ce qui est le plus dur à laisser, c'est ce nous-mêmes, qui dans son besoin fondamental d'autonomie, s'oppose à Dieu.
La séparation, finalement n'est pas dans l'éloignement mais dans le détachement. Il faut à tout prix empêcher notre personnalité de se replier sur elle-même, de se construire en face de Dieu une citadelle, où Dieu ne sera admis que comme un hôte.
Avant de partir, il y a quelques coups de hache et de serpe à donner. En tranchant autour de soi, on voit immédiatement que l'on tranche en soi... Mais il ne faut pas attendre d’être détaché de tout et de soi pour partir. Il faut partir et, peu à peu, à mesure que nous avancerons, les choses qui nous sont les plus chères prendront de la distance. Beaucoup s'attacheront à nos pas. C'est normal. Si notre coeur y tient encore, il suffit de dire à Dieu : «Mon Dieu, je tiens encore à ceci, à cela, mais je compte sur toi pour me libérer, tandis que je marche vers toi.»
Qu'emporter avec soi ? Tout soi-même et rien de moins. Étrange réponse après avoir dit qu'il faut tout laisser et surtout se laisser soi-même. Et pourtant c'est vrai, il faut s'emporter tout entier.
Beaucoup ne partent qu'en apparence. Ils n'emportent avec eux qu'un fantôme d’eux-mêmes, une maquette abstraite d’eux-mêmes. Ils se mettent eux-mêmes en sécurité avant de se mettre en route... Ils se font une personnalité artificielle, d'emprunt, construite d'après les livres et c'est cette personnalité artificielle, ce robot, cette ombre d'eux-mêmes qu'ils envoient à la recherche de Dieu. Ils n'entrent jamais vraiment de tout leur être dans l'expérience…. Ils envoient un double d'eux-mêmes tenter l'aventure et s'étonnent, ensuite de ne retirer de tout cela que déception.
En partant, il faut mettre sur son âne tout ce qu'on possède et partir avec tout ce qu'on est, sa carcasse, son esprit, son âme, il faut tout prendre, les grandeurs et les faiblesses le passé de péché, les grandes espérances, les tendances les plus basses et les plus violentes... tout, tout, car tout doit passer par le feu. Tout doit être finalement intégré pour faire un être humain capable d'entrer corps et âme dans la connaissance de Dieu.
Dieu veut devant lui un être réel qui sache pleurer, crier sous l'effet de sa grâce purifiante ; il veut un être qui sache le prix de l'amour humain et connaisse l'attrait de l'autre sexe. Il veut un être qui ressente le désir violent de lui résister, pourquoi pas ? ... C'est un être humain réel que Dieu veut voir devant lui, sans quoi sa grâce n'aura rien à transformer, l'être réel se dérobera.
Comme le bout du chemin se perd en Dieu et que personne ne connaît le chemin sinon celui qui vient de Dieu Jésus Christ, il faut, tout en écoutant les maîtres que nous rencontrons, fixer les yeux sur Lui seul. Il est la voie, la vérité et la vie. Lui seul &ailleurs a parcouru le chemin dans les deux sens.
Il faut mettre notre main dans la sienne et partir…
Yves RAGUIN s.j., Chemins de Contemplation, Christus n° 29, DDB, p. 28-30.
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